tout ce qui se rapporte aux unités de conserves de poissons, l'anchois, etterkide en maison et en usine, un savoir-faire qui se perpértue à travers les âges...
le 23/08/2003
SARDINES, ANCHOIS ET CONSERVERIES Une histoire nemourienne (par Mohammed Hamdoun)
Sardines et anchois, deux mots qui vont très bien ensemble….pour Ghazaouet (Nemours).
«Parler de la sardine alors que pratiquement aucun pêcheur amateur en prend, cela peut paraître bizarre. Même si vous n’en pêcherez pas, elle vous permettra en revanche de capturer de très nombreuses espèces.
La sardine est sans doute l’appât universel ? Si elle est très convoitée sous la mer, elle fait également le bonheur des gourmets une fois à terre.»(Par Alain Ferrero)
1. Quelques caractéristiques morphologiques
A. Sardines
La sardine, avec un corps élancé, fuselé, légèrement comprimé, mesure entre 15 et 25 cm. Son museau est pointu avec une bouche en oblique et la mâchoire du bas remonte. Le corps, argenté avec le dos plus ou moins bleu avec parfois des reflets verts, porte une seule petite nageoire. On peut difficilement parler de la sardine au singulier. En effet, les sardines vivent en immenses bancs (yinpou) et ont un instinct grégaire très fort.
Leur mode de vie est pélagique, c’est-à-dire qu’elles vivent et se nourrissent essentiellement en pleine eau, sans aucun contact avec le fond. Elles sont exclusivement planctophages : elles se nourrissent de plancton animal et végétal. Les migrations des sardines sont réduites et cycliques. En hiver, les sardines s’éloignent des côtes et descendent vivre plus profondément. En été, en revanche, elles se rapprochent de la surface et plus particulièrement la nuit. Elles suivent en fait les mouvements saisonniers des masses planctoniques.
Bon nombre de prédateurs dépendent des sardines pour se nourrir, je pense notamment aux thons, requins (appelé localement mouratchou ), bonites…
Il arrivent aux sardines de partager « leur zone » avec d’autres espèces au tempérament grégaire comme les petits maquereaux, les lisettes et anchois.
C’est en été que la sardine offre sa chair la plus savoureuse (mziyta) et l’odeur de la sardinade (chouaya) dans les maisons des Ghazaouetis bat son plein.
Question de santé, ce poisson est riche en acide gras poly-insaturés appelés aussi « Oméga 3 ». Ce sont des acides gras qui diminuent le risque de maladies cardio-vasculaires.
B. Anchois
L’anchois, connu localement sous le nom de boucorron, représente le tiers de la pêche mondiale (en nette régression, malheureusement). Ce poisson au dos bleu et au ventre argenté a le corps bien fuselé et une grande bouche.
Autrefois à Nemours, on pratiquait la pêche au lamparo (lampe placée à l’avant du bateau de pêche). Mystifié par la lumière, l’anchois, pensant que le jour se levait, partait se ravitailler et tombait dans les filets des pêcheurs.
2. Conserveries & salaisons
Dans les années 50, Nemours comptait 76 lamparos avec 711 marins. Ces bateaux débarquèrent 6000 tonnes de poissons : 40 pour cent de poisson bleu, 50pour cent de poissons blanc (avec la pêche des rares chalutiers comprise). Une grande partie du poisson était consommée sur place et dans les villes avoisinantes alors que 3650 tonnes de sardines et 9 pour cent d’anchois étaient traités dans les 22 ateliers de salaison, appartenant à des industriels de France et du pays, notamment FALCONE , PITZINI et GALANO. Ils exportèrent en France, Italie et en Afrique du Nord.
Depuis la nuit des temps, les méthodes de préparation des anchois n’ont pas changé. Comme autrefois, l’étêtage et l’éviscérage sont pratiqués à la main, car il ne peut exister de machine permettant de sectionner la tête tout en entraînant avec elle les viscères. (L’anchois est toujours gardé dans le gros sel et trempé par la suite dans la saumure, sala morra)
La famille Falcone (Sté. Papa Falcone) a créé le long de la côte d’Algérie, et notamment à Nemours, des conserveries de sardines et d’anchois, mondialement connues. En 1962, patrons et pêcheurs embarquèrent sur leurs bateaux et rallièrent Sète (la famille Giordano, par exemple). Péro, un loup de mer, a préféré rester…). L’Algérie continua à fabriquer sous ce nom, ce qui lui fut interdit par un jugement de la Cour de la Haye.
Une autre usine traitait 21 000 quintaux de caroube utilisées pour l’alimentation du Bétail en Belgique, Hollande et France. A un moment, il existait une conserverie de légumes secs et de piment rouge.
Et enfin question de santé, de par son origine et sa préparation, l’anchois est le produit bio par excellence. C’est un produit riche en calcium, en vitamine D qui donne de l’énergie et en huile Oméga 3 qui régule le cholestérol.
Mohammed HAMDOUN
le 24/08/2003
Conserver l'anchois, est un choix... (par Khaled Sidhoum)
Dans la ville où la sardine est reine et l’anchois roi, la tendance à la conservation est nettement orientée vers la conservation-maison même si les unités de salaison assurent une production quantitativement et professionnellement plus importante , donc plus visible. Bref un savoir-faire est acquis à Ghazaouet et l’on exhibe fièrement les récipients contenant « el houte el mrakade » (poissons salés) dans les bonnes occasions.
Pendant le Ramadhan, la vente de ces anchois faits maison est dans la rue.Bordelaises, fûts, tonneaux et autres récipients envahissent les tréteaux et les anchois salés qui sont très prisés pendant ce mois, de préférence en salade, se vendent comme des petits pains.
Pour ceux qui ont raté la corvée de salaison , il est encore temps de se rattraper en achetant quelques kilos d’anchois.
C’est que l’anchois à saler se conserve dès qu’il est ramené de la pêcherie. Encore frais, étêté, nettoyé de ses viscères, « el boukouroune » .Une partie est prélevée par la maîtresse de maison, dans le panier et passe directement à la poêle, dégustation oblige dans le plat du jour, le reste, la grande quantité, est placée dans un récipient en couches successives sur lesquelles, on répand de grandes couches de gros sel . Le couvercle trouvé, il faut maintenant boucher en assurant une pression sur le contenu. Un poids est mis sur ce couvercle et l’entassement aide le poisson bleu à aspirer tout le sel .
De temps à autre, les connaisseurs vont jeter un œil dans le récipient s’assurer de la bonne salinité et voir si la saumure produite est de nature à garantir une bonne salaison, critère recommandé pour toute bonne conservation. .
Dans toutes les maisons, les anchois ont leur place et c’est là que le visiteur mesure l’attachement des habitants de Ghazaouet pour les anchois, une denrée de marque qui signe l’authenticicité, le naturel de cette vie locale qui se nourrit du monde halieutique.
Dans certains quartiers comme Les Sables, Ouled Ziri et Sidi Amar, la salaison domestique est plus visible puisqu’elle s’affiche par la vue des récipients alignés et qui vous invitent à imaginer ce goût qui vous fera chatouiller les papilles.
Pendant la saison , dès que les galions entrent au port chargés d’anchois, une fois le poisson à quai, et la criée réalisée, de gros camions des entreprises de salaison prennent à leur bord la production direction l’usine. Là, les journaliers recrutés attendent face aux grandes et immenses établis, que le poisson soit déchargé. le travail démarre tôt et chacun s’affaire à étêter l’anchois à un rythme soutenu ; femmes, hommes, jeunes sont là, concentrés dans cette tâche, les pieds dans les flaques de liquides sanguinolents fuyant des établis.
Des corbeilles à deux poignées accueillent le produit nettoyé et la chaîne suit son cours. D’autres plus expérimentés vont passer à la phase de salaison qui, elle nécessite un savoir-faire et le doigté. Dans de grosses bordelaises, l’empilement débute, avec de grosses poignées de sel qui noient les couches successives jusqu’à atteindre le rebord du fût et on passe à la suivante…
Dans cette ambiance marquée par la rapidité, la dextérité et la besogne quotidienne, la salaison se poursuit et tout doit se finir avant le soir, car il faudra laver, nettoyer les lieux, l’usine, pour être fin prêts , dans le quelques heures qui suivront, le travail commençant tôt, très tôt le matin…
Ce côté là de la salaison en usine, est un court témoignage de l’époque d’avant, il y a plusieurs années, je ne sais si la méthode et le cadre de travail ont changé. Ce qui se sait , c’est anchois sont encore un mets prisé, un accessoire gastronomique dont on ne peut se déparer, ni se séparer, tout comme ces piments conservés au vinaigre, el kalïata , ces poivrons séchés au soleil, ces figues séchées pour en faire « du harfil », et tant d’autres productions agricoles qui restent traitées et conservées d’une façon domestique. Histoire de faire un clin d’œil au passé ? Désir de manger naturel, sans ingrédients, colorants ou autres produits chimiques ?
C’est un choix de saler à l’ancienne, un choix domestique qui marque la spécificité de la cité des Deux Frères, comme à Béni-Saf et dans d’autres ports algériens.
Un choix de garder sur la meïda, un plat de la région qui se déguste à l’huile d’olive, en salade en toutes périodes de l’année. El houte lamrakade , el boukouroune, sala morra deviennent alors des mots magiques qui vous font dresser les oreilles et saliver, dans un lexique local où « yapraque, hout fil plat, houte makli, echouaïa, tab el houte ouala mazal, ikhasso echouïa bache itèbe, lahmou ra had ekhaare…et d’autres » sont l’apanage des consommateurs à la fois producteurs et qui se refilent ce savoir-faire de père en fils et de familles en voisins…
Rakade est aussi utilisé pour dire « conserver tout, y compris des liasses d’argent », mais là, c’est une autre façon de faire, inconnue des gens qui ont eu à " rakade les anchois, les tomates, el kaliata "….
Khaled SIDHOUM
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