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  WLED et BNETTES GHAZAOUET (W.B.G.) 

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Lemdina : Description du centre ville d'aujourd'hui et d'avant (Elmarché, Edrouba, Leblayess, eljardenette, etc...)

 
 

El M'dina, El Marssa : 
hier et aujourd'hui - entre enfermement et ouvertures

 
Par Khaled Sidhoum
 
 
Combien de fois, ces deux expressions tellement usitées à Ghazaouet ont complété nos phrases d'enfants et continuent jusqu'à présent de nous servir d'indicateurs spatiaux ! 
 
El Marssa était le nom d'El M'dina, une ville portuaire .Al Marssa , comme Mers désigne plus un point d'ancrage, un lieu d'escale, un port.El M'dina, la ville, dans son urbanité et sa concentration. 
 
 
 
Nous habitions à la périphérie, presque la campagne ou dans la campagne et dans le langage des parents et autres habitants, El Marssa, c'était autre chose ! Là où d'autres équipements existent ! Là où les artères sont parallèles, où les magasins sont bien achalandés et recèlent de tout. Là où sont cantonnés les bureaux, les écoles et services publics ! 
 
 
 
« On descendait » à El M'dina, on « en remontait » pour aller à Sidi Amar, Djemaa Sekhra, Tient, El Bor ou Eddraouche ! On se trouve dans un cadre spatial du « dehors » et l'on se dirige vers un « au dedans » habité, couvert, modernisé, fonctionnel. 
 
 
 
Pour se rendre à la ville, il fallait être présentable, on ne pouvait s'habiller n'importe comment, car ce lieu central, pôle de la vie économique et social méritait quelque respect au vu de sa puissance, de sa production, de sa capacité à réunir le produit des compétences les plus diverses dans un lieu ouvert sur la mer, sur le monde. Ce n'est que dans El Marssa que l'on pouvait admirer un bateau accosté au port, des navires de pêche, un trafic portuaire animé auquel participaient pleinement nos dockers, des gens qui venaient du dehors. 
 
 
 
Dans El Marssa, il y avait les cafés, les gargotes, les commerces. Et seulement là, avant.Dans El M'dina, patrouillait la police .Les trottoirs s'allongeaient , les chaussées bitumées étaient bordées d'arbres dont les troncs étaient peints à la chaux .Les voitures circulaient , parfois, quelques mulets, lourdement chargés bien conduits s'y aventuraient et créaient l'originalité. Là l'eau coulait à flots, dans les robinets dans ces immeubles bourgeois, où les citadins vivaient.Une ville éclairée, de nombreux lampadaires changés au fil du temps. La ville avait ses droits. Elle s'imposait comme chef lieu communal, ville de garnison, port de pêche et de commerce et centre vital . 
 
 
 
Une ville fermée 
 
 
Nichée dans une cuvette, ceinturée par des collines, située à l'extrêmité , Ghazaouet offre un paradoxe de taille : elle est enfermée naturellement, géographiquement et portant elle s'ouvre grande sur la bleue. 
 
 
 
El Marssa était un ensemble fermé, cadré, tellement aligné par ses rues, son bâti, ses toîts , dont certains en tuiles qu'elle avait ses portes. Des portes anciennes et nouvelles.Bab Nédroma ! Celle qui se situe vers l'ancienne caserne , à la descente de Dar Ghomrassen. En dur construite, elle a vaincu le temps puisqu'elle est encore apparente au niveau de la nouvelle poissonnerie de Ghazaouet. 
 
 
Une ville longtemps enfermée qui se tourne vers d'autres nouveaux horizons
 
 
Une autre porte mythique, Bab el M'Dina , cet immense porte métallique composée de différentes parties séparait la ville , la fermait, l'enserrait dans des limites. Elle était fonctionnelle lors de la guerre, pendant le couvre - feu et décourageait l'accès à El Marssa après certaines heures. Aujourd'hui, disparue, cette porte reste encore dans nos mémoires, avec ses pointes supérieures, sa rouille, ses chaînes cadenassées, ses barreaux longs et effilés qu'enfants, nous essayons de les compter avec les intervalles.Il y en avait tellement de barreaux... 
 
 
 
Cet enfermement qui l'a si compressée et conditionné ses habitants, la ville semble s'être vengée depuis. Connaissant un exode rural sans précédent , au lendemain de l'industrialisation de la région, l'implantation d'une unité d'electrolyse de zinc accueillant à son démarrage quelque 830 salariés, une autre de céramique sanitaire, la ville a ouvert ses portes. De nouveaux habitants s'y sont installés, en nombre, car la ville a toujours accueilli. 
 
 
 
Des apports, échanges s'installent durablement et dans les tensions parfois indiscibles, dans les retranchements, la transformation lente s'opère .Un brassage mixé s'établit et produit des questionnements de part et d'autres, construit des manières de vivre et de s'apprécier. La ville semble avoir traversé l'épreuve du greffon qui s'adaptant à l'environnement réussit sa prise.Aujourd'hui, Ghazaouet , plus jamais diverse et variée renoue avec une population qui a augmenté .L'école, le travail, les alliances, le marché matrimonial, et la vie dans un même espace confronté aux mêmes vicissitudes, aux mêmes contraintes liées à la vie et à la gestion de l'espace et du temps ont cimenté la relation, de façade. Il existe encore quelques non-dits émaillant entre ruraux, citadins, d'ici, d'ailleurs, et ce dans certaines mentalités qui n'ont pas encore fait le deuil de ce changement irrévocable.Les liens du sang, les mariages, amitiés, voisinages, relations, achèveraient , avec le temps de consolider la texture de la population renouvelée et plus que jamais actrice de son devenir.  
 
Le parler a aussi été enrichi et a explosé dans sa diversité lexicale .Accents, vocabulaire, images et dictons ont produit depuis un lexique étoffé qui ne s'arrête pas au hameau, au village mais qui est devenu un dénominateur commun du langage expriméintra et extra-muros. 
 
 
 
Comme sa population a augmenté, son espace s'est également élargi.La superficie de la commune peu exploitée a connu des changements au gré des expropriations et constructions nouvelles. 
 
Maintenant El Marssa, El M'Dina a perdu sa spécificité ou plutôt n'en garde pas tous les atouts .En étant dans les nouvelles constructions des quartiers les Sables, Haoute Ameur, on se croirait dans une ville. La ville s'est installée partout, elle s'est étendue, s'est ouverte à d'autres villages et zones résidentielles .L'activité s'est déplacée, les populations retrouvent d'autres centres d'intérêt .La ville reste cependant la matrice, cette souche -mère d'où s'est envolée l'extension si bénéfique à un site en développement. 
 
 
 
Plus que jamais, El Marssa demeure un trait d'union entre les nouveaux sites en devenir, le cour palpitant d'une ville où Histoire et Géographie meublent les mémoires . 
 
El M'dina vieillit, ne reçoit pas tous les soins qui lui sont dus. Son corps qui a tant enfanté se recroqueville, son physique se ternit et sa peau s'assèche, mais son cour palpite .Elle souffre de cette circulation estivale, mais se gargarise de recevoir le flot des voyageurs transitant par le Front de Mer. Son pavillon flotte bercé par le vent d'est, Echergui relayé par celui de l'ouest , el Gharbi .Son nom sur la toile est déjà inscrit et la ville est de plus en plus connue à travers l'Algérie et hors du pays, depuis déjà, deux étés, grâce à la ligne maritime qui semble avoir attiré l'attention sur ce port de l'extrême ouest, au charme resté si longtemps méconnu . 
 
 
 
Ghazaouet a connu les invasions, les affres de la guerre et les lendemains de paix. Sereine, paisible, elle offre ses sites d'une beauté naturelle aux visiteurs. Elle retient sa colère de ne plus rester El M'dina, ce qualificatif de « la ville » qui est en passe de lui échapper Mais pour nous, pour beaucoup de générations encore, El Marssa évoque en nous des souvenirs que nous ne sommes pas en passe d'oublier .Elle reste notre M'dina, notre Marssa chérie. 
 
Khaled Sidhoum 
 

El marché ''di al dakhale'' ou le ''marché couvert''

 
Par Khaled Sidhoum
 
La photo du marché couvert insérée dans la rubrique ''photos anciennes''avait réveillé des souvenirs surgis du tréfonds d’une mémoire que les hypermarchés ont en quelque sorte endormie, mais pas tout à fait effacée.Des images, des odeurs, des saveurs, des noms, des moments intenses fort d’émotion sont venus se bousculer dans ma tête et donner spontanément, le texte qui va suivre…  
 
Le marché couvert en 1960
 
Sur ce chapitre, des pans entiers survivent dans nos mémoires d’enfants. Je n’étais pas loin de ce marché couvert où toujours, proximité, mon père ouvrit son local de friteur, juste à quelques mètres de cette porte en barres métalliques dont on voyait le seuil depuis le local.A vrai dire, je n’ai jamais été loin de cet endroit, ni de l’autre souk forain ,( là où s’est construite maintenant la daïra , sous-préfecture, dans le prolongement de la caserne et où mon père avait loué une baraque ouverte seulement les jours du souk) , donc pas loin de ces lieux divers et variés, où très jeune je faisais les courses, plus grand je humais leur atmosphère et cet été, je suis rentré quelques courts instants dans l’antre du marché couvert et en saluant parfois les enfants de ceux qui avaient été là, des années durant, j’ai revu des séquences, des moments, forts, très forts empreints d’émotions et de souvenirs…L’occasion de resituer le lieu et de tenter quelque description que le temps pourrait altérer…  
Le marché « di al dakhale » ou marché couvert de Ghazaouet nous rappelle beaucoup de souvenirs .Toujours ouvert, la semaine, la tenue des marchés hebdomadaires les dimanche, mardi, vendredi, ne lui faisait pas ombrage.  
Il était à lui seul, le lieu important d’une importante activité commerciale et malgré les changements qu’il a connus, ces dernières années, il tient le coup et surtout continue à présenter un cachet encore authentique qui a gardé de sa forme et de son âme.  
Le hall où étaient hébergées les boucheries, la grande table en ciment du stand de la poissonnerie avait deux entrées principales, chacune donnant sur une ruelle. A l’intérieur, une petite porte permettait l’accès au centre du marché des fruits et légumes.  
A gauche de cette porte, dans un angle , trônait, dans les années fin soixantaine, début soixante dix, une fontaine. Plus haut, au dessus s’affichait la mercuriale des prix. Un large tableau avec des mots si bien calligraphiés et des colonnes de chiffres décimaux à la craie portés,qu’enfants , nous essayions de déchiffrer tout en apprenant par la lecture le nom, en français, de fruits et légumes…  
Le sol de cette partie du hall était souvent humide.  
Des filets d’eau qui s’échappaient de la poissonnerie…CEtte poissonnerie accueillait chaque matin les casiers de sardines, anchois en plus de quelques casiers de crevettes, poisson blanc divers.Parfois de grosses pièces espadons, thons étaient dépécées sur place et l'opération se faisait devant les clients qui attendaient quelque tranche épaisse encore tachée de sang et qui allait atterrir sur la balance louée, le matin même...Selons les saisons, les anchois en conserves étaient vendus par des jeunes et moins jeunes venant écouler leurs productions domestiques.  
En face, on entendait les bouchers qui ahanaient en découpant de grands quartiers de viande de bœuf .Des guirlandes de saucisses ornaient pour la journée, suspendus à des crochets, la façade, à côté de douaras(tripes) de mouton avec poumons, cœur et une partie de la panse, quelques gigots découpés étaient bien en évidence…  
A vrai dire, pas de façade, plutôt pas de vitrine, un stand, une grande armoire frigorifique, la table-comptoir attenant à une tablée de travail, en bois sur laquelle étaient visibles les longs coutelas, haches , l’indispensable affûteur cylindré, et autres instruments de boucheries…La balance automatique ou Roberval et le boucher était opérationnel. Il y eu plusieurs bouchers de Nédroma, sans doute que ces artisans –vendeurs étaient bons connaisseurs et ce savoir-faire était aussi développé dans la ville voisine.On disait « el hatri, il a de la bonne viande, voulait-on dire el hadri (celui de la ville ?), toujours est-il que nos grands bouchers venus de Nédroma ou d’ailleurs se sont vite acclimatés et devenus des wleds ghazaouet, bine installés et oeuvrant pour leur ville.Les Bentout, avant c'était à côté, Touati,Abid, Zenati, avec d’autres étaient les permanents car certains ne venaient que les jours de marché hebdomadaires….  
Quand on accédait au centre du marché de légumes par cette petite porte intérieure( car le marché pouvait aussi se pénétrer par le portail situé sur l’artère centrale) on découvrait une placette cimentée où étaient plantées plusieurs baraques au toît de plaques de zinc ondulées. Une petite table sur laquelle était construit judicieusement un support recueillant dans différentes cases, fruits et légumes bien achalandés. De beaux fruits mûrs, gros, étaient en avant comme le veut la formule pour faire « oujahe essouke », la vitrine et faire « craquer le client ».  
Les contre bas, c’étaient les cageots de bois, caissettes qui le meublaient. Une petite place pour chacun mais combien bien agencée. On avait alors , suspendus à la poutre les régime de bananes, dont certaines encore vertes, des petites bananes du crû et des grosses mouchetées qui se vendaient même à l’unité, les tresses d’ail, d’oignons savamment entrelacées,les djidouates ou courges –kiyassates servant à la toilette .  
Le rangement, la mise en étalage tait un art chez ces marchands appelés à gérer le quotidien à partir de l’existant, une table, un bout d’espace qui n’était même pas un local mais où il fallait travailler, se reposer , faire sa sieste et entretenir en gérant des denrées périssables que l’on ne pouvait pas placer dans quelque équipement frigorifique…  
Parfois dans un autre coin, quelques balais en doume, quelques djemaates (ou paniers en vannerie), quelques kanastates (paniers d’osier) pour ceux qui avaient des courses à faire et se présentaient les mains vides. Il y avait el khaire(les produits du crû) et on ne repartait pas les mains vides !!!  
Souvent, chez certains, au pied du stand , étaient alignées une, deux, ou trois kasriates d’el lebenne (cruches en terre de petit lait) et quelques pots de lait. Ces produits frais trouvaient acquéreurs chez une clientèle fidélisée car, passé, midi, l’on ne trouvait pas acheteur…  
Des paniers pleins d’œufs du jour noyés dans une couche de paille attendaient les acheteurs qui avaient raté leurs courses chez el agiousates ou vieilles paysannes présentant leurs produits les jours de marché …  
Le présentoir horizontal croûlait de fruits et légumes.Selon les saisons, les oranges –thomson, clémentines et mandarines, avant les melons , canaris, brodés, et autres, pastèques macharetine (grosses pastèques à la robe tracée), petites pastèques des bahirates avoisinantes, figues de barbarie, el handia, figues de Sbania, chettouaïa, el batchore, figues noires et autres…  
La pomme de terre pourtant fort utilisée dans les foyers n’était pas si capricieuse comme ces dernières années, elle ne se prêtait guère en ces temps au jeu du conditionnement, tout était naturel, elle ne sentait pas le produit insecticide et avait toute sa place dans le quotidien, cuite à toutes les sauces…. Elle imposait fièrement mais discrètement sa présence aux côtés de la patate douce »el battatta del maniato », ces longues tubercules qu’on fait cuire au four , ah , ce goût !ou dans l’eau bouillante…rien à voir avec le premier mode de cuisson…  
De grosses courges, des poivrons et des piments verts, avec navets , carottes, et navets d’el bled, Un coin était réservé aux plantes aromatiques regorgeait de bouquet de persil, céléri, basilic en pots, de la menthe verte, de la coriandre, du fenouil…  
Je voyais souvent le marchand agiter son chasse - mouches. Fait de quelques tiges d’alfa (en abondance en ces temps là, le port était exportateur) ou de quelques feuilles d’el azafe (eddoume), cet outil là complétait la panoplie du vendeur qui avait déjà accroché à sa poutre, un ou plusieurs rubans marron – où s’étaient agglutinées d’imprudentes mouches et y étaient restées…Parfois c’étaient les abeilles et guêpes qui venaient tournoyer autour des stands… Malgré la présence de ces plantes aromatiques, les mouches et moustiques dont la présence n’était pas étrangère à la proximité des boucheries, augmentait en été surtout. Chacun des vendeurs , vers le coup des trois heures de l’après-midi, avait sa corvée d’arrosage. Le sol était mouillé, l’on humectait délicatement les produits qui restaient couverts par des sacs de jute mouillée comme pour les poivrons et autres. Cette ambiance de fraîcheur restait car tous les vendeurs s’y mettaient, la clientèle, après la sieste allait revenir, et pendant les dernières heures de la soirée, car le marché couvert fermait tôt contribuait à la bonne fréquentation de ce lieu marchand.Glands (balloute), castale (chataignes, marrons) noix (gargaiie), bendake (noisettes, harfiles (figues sèches)° , olives et autres fruits secs ressortaient avant la période du Naïr (fêté douze jours après le jour de l’an).Pendant le Ramadhan, le marché couvert était en effervescence à certains moment de la journée et tout se vendait ; « les yeux des acheteurs devenaient plus grands que le ventre »…  
La balance Roberval voyait souvent ses plateaux dorés s’appareiller d’un récipient en osier ou en plastique pour servir de contenant à la pesée. Cette tare nous a vite appris l’opération de la soustraction dans la pesée, le poids brut, net, puisque l’on appliquait ces opérations en allant faire le marché ou le souk.  
Une ambiance sereine régnait dans ces lieux qui s’animaient le matin dans un brouhaha et s’éteignait le soir , une fois le portail cadenassé. Quelques boutiques situées à l’extérieur et que l’on voit dans la photo (voir photos anciennes) restaient ouverts car elles ne dépendaient pas du fonctionnement horaire de tout le marché .Indépendantes, elles vendaient un peu de tout, bonbons, patisseries orientales, zlabias (kalainji avait même été dans l’une d’elle, bien avant !) et les fruits et légumes pour dépanner quand le marché « di eldakhale » était fermé. Cette intériorité avait quelque chose de l’ordre de « couvert, caché ». Ce lieu surgissant du cœur de la ville avait la faculté d’offrir un espace de produits frais et restait un pôle économique vivant. Nous nous souviendrons longtemps de cette génération, Merabet,Benkhroufe, Sétila, les Tahir (il y en avait plusieurs), le regretté El Kchiouache Benazza et d’autres figures légendaires locales (je m’excuse de ne pas avoir mis tous leurs noms). Plusieurs d’entre eux avaient une bicyclette ou une moto utilisée pour les trajets maison-marché, au quotidien.Avec eux vivaient aussi des grossistes en fruits et légumes, ils avaient aussi leurs stands à l’intérieur.Possédant de gros camions, avec une équipe de manutentionnaires, ils s’y connaissaient en fruits et primeurs.  
Ils allaient chercher les produits frais assez loin pour pourvoir et fournir les marchands de légumes qui avaient également leurs sources locales directement auprès des producteurs…  
Pommes enveloppées dans du papier fin, ou grenades d’essefr et del hamatte, clémentines avec cet emballage qui nous fascinait à l’époque, on était plus attiré par le papier écrin que par la perle que constituait le fruit juteux et qui allait après nous émerveiller .  
Ces poires, ces jujubes( esfizef), ces mazahes (nèfles) et tous ces fruits de saison ! Ces cerises ( habe el moulouke, le fruit, ou grain des rois) qu’une fois achetées, on s’empressait de retrouver les binômes, la paire pour les mettre autour de nos oreilles…  
Des jeux simples d’enfants, courts évasifs mais qui nous procuraient , en famille des petits moment de joie dans l’innocence et l’insouciance de l’enfance et de la quiétude de la vie qui était difficile mais autrement , par nous vue, les gosses que nous étions hier !  
Ya hassrahe!!!  
Khaled Sidhoum 
 

''el marchédi barra'' ou ''le souk de la ville de Ghazaouet''

 
Par Khaled Sidhoum
 
 
''El marché di barra ou souk de la ville''a été aussi un lieu plein de souvenirs...  
Le souk ou marché hebdomadaire recèle de tout.  
On y vend de tout et comme une certaine place est nécessaire, il a vite pris ses quartiers hors de la ville. Plusieurs fois, le marché hebdomadaire de Ghazaouet a occupé la rue des Chouhadas, celle jouxtant justement le marché couvert. Mais l’hygiène, la précarité, la promiscuité, la circulation, et les problèmes afférents à toute artère commerciale qui s’improvise sans se donner les moyens se posent en termes accrus et imposent aux élus de se rabattre sur d’autres zones plus accueillantes pour une activité économique –phare où des marchands et vendeurs occasionnels se font leur chiffre d’affaires.  
Donc l’expérience du marché, rue des Chouhadas (ex rue de Touent ) n’a pas assez duré. Avant, le marché se tenait à côté de la caserne, là ou quelques années plus tard sera édifiée la grande mosquée.  
 
Le marché "di Barra" de Ghazaouet en 1960

 
Des années durant, les clients se pressaient pour venir faire leur marché.  
Le souk avait son lieu tout désigné bien avant, là où maintenant est la daïra (sous -préfecture).  
Sur une aire grande, étaient alignées une quinzaine de baraques construites en dur. Elles étaient louées aux marchands forains qui diversifiaient leurs commerces. J’ai connu la baraque où l’on vendait des denrées d’épicerie mais aussi des petits gâteaux, petits pains au lait et autres…  
Ce souk durait toute la matinée et après rien ne s’y passait, l’aire était livrée aux jeunes pour d’interminables parties de football .Une montée permettait aux gens d’accèder par l’avenue Sayah Missoum (avenue de Neuilly).il en venait des vendeurs de partout.  
Des artisans- potiers venaient écouler leurs cruches si bien décorées, les nattes, les hassoures(pluriel de hassire)lammodates et tapis et couvertures de laine, hanaballes et haniblines , laines lavée, cardée ou non, ou en l’état au poids….  
 
Le marché di Barra en 1960; Vente de Bourabeh et Hanabelles
 
D’autres écoulaient des bâts en bois ou en vannerie, des burnous et autres accoutrements , pendant que certains l’aiguille à la main confectionnaient des bonnets et couvre-chefs masculins…  
Des bouchers ambulants avaient un tréteau où étaient accrochés des quartiers de chèvres et autres caprins, des ovins, brebis, agneau, mouton . 
 
Le marché di Barra en 1960; Le boucher ambulant
 
Quelques commerces de restauration rapide, sur le pouce,, des stands de vente de vêtements de prêt à porter, des commerces de légumes et fruits et un coin bien traditionnel où s’installaient paysannes et paysans pour vendre poulets, coqs, lapins et herbes médicinales , aromatiques récoltées en forêts ou cueillies dans leur potager.Khoule(antimoine), gouze (racines pour faire soigner les gencives et autres produits pour faire les dents), ghassoule pour les cheveux, miel, et autres produits du terroir avec les différentes mixtures, les poudres, semoulines d’orge, du son, extraits et élixirs…  
Des babioles, de jolies antiquités faisaient la joie des badauds qui venus flâner repartaient avec quelque chose sous le bras…parfois avec des encombrants, on repartait avec une machine à coudre à pédale Singer ou une petite table de salon, un vélo ou de la literie, de la vaisselle, plateaux etc…  
Les stands de bonbons, halwa entaa el madarma, ou longs bâtons de sucre aux couleurs violettes, bleues, jaunes, blanches, roses, des bonbons de toutes sortes, des quaakes, zlabias, makhroute au miel, ghouribia , se vendaient bien, les parents avaient le réflexe d’acheter une grande quantité et toute la maisonnée le savait le jour où le père yassaouake !Il ramenait bonbons et viande, on disait alors , rahe ouazzaae. Il faut rappeler à nos enfants que nous ne mangions pas la viande tous les jours, ni toutes les semaines, il y avait des temps pour cela, les fêtes, mais le quotidien restait frugal, simple, quoique consistant, à base de plats de résistance !(plats à présent boudés par nos enfants qui se jettent sur le futile, mais c’est leur époque et celle de la consommation !!!).  
Le souk était animé. Dès les premières heures de l’aube, certains d’ailleurs en été couchaient sur place à côté de leurs montagnes de pastèques, melons, c’était le cafetier ambulant qui avait la côte. Beignets et gâteaux servis avec le café , thé et la journée commençait.  
Quand el goumered (celui qui était préposé à la taxation et perception des droits de places occupées sur le marché) passait la sacoche en bandoulière, impérial en ce qui concerne le paiement exigé au métrage estimé à l’œil et selon le marchand en face, cela voulait dire que l’animation battait son plein. Tout le monde était installé depuis longtemps. Certains même avaient écoulé leurs marchandises « safaoue ! ils ont tout vendu ! ».  
Les gens passent et repassent sac de jute ou de toile à la main, panier ou filet ou djemmaa ou kanasta. Chacun recherche le bon prix, la bonne marchandise, les fruits mûrs et pas chers. Les marchandages étaient monnaie courante et nullement une pratique honteuse.Une fois le panier rempli, il fallait quitter ces lieux d’où s’élevaient encore des clameurs et un brouhaha diffus.  
Au souk, c’était aussi le lieu de rendez-vous. Passage incontournable, il permettait de rencontrer les hommes du village et des alentours venus spécialement pour le marché. On se voit au souk pour traiter d’autres affaires ayant trait au mariage, à la cession de terres, à la médiation , enfin toutes les questions de la vie quotidienne.  
Quelques maquignons se tenaient debout derrière un cheptel constitué de quelques moutons et chèvres, quelques mulets, ânes et là les marchandages vont bon train. Enfants, ces lieux nous attiraient et nous allions admirer comment les acheteurs soupesaient les agneaux, leur touchaient la queue, leur ouvraient le museau pour se faire une idée de leur âge…Ensuite, après avoir vu plusieurs, ils venaient concrétiser…En des périodes de fêtes, ces maquignons avaient fort affaire et manipulaient de grosses liasses de billets. IL en venait même des régions steppiques de Saida, de Sidi Bel Abbes, Témouchent…  
Les petits pois se vendaient bien aussi car le climat et les parcelles s’y prêtent pour ces maraîchages si prisés pour leur saveur.  
Le souk « di barra » était un lieu de visite, à lui seul, il était l’activité prisée , on y vient pour humer cette ambiance, acheter, découvrir…Parmi les forains qui réunissaient les badeauds, figuraient les conteurs, aissaouas, bendir à la main, et verbe facile, ils vous fixaient dans cette mahadra et il fallait attendre la fin interminable de l’histoire qui n’arrivait pas avant la dépose de quelques pièces dans le plateau qui passait. Les vendeurs de ces médicaments « miraculeux » pour traiter les impuissances, le foie, l’estomac, l’enurésie, et les maux de tête attiraient du monde. Jeunes , nous y attardions dans ce lieu où les vendeurs « ou toubibs-charlatans » officiant en plein air et administrant cette poudre à la mixture inconnue ou douteuse pour tout mal. La même servait pour tout ! Il suffisait d’avaler, d’étaler cette pommade et la guérison était là. Composée de calmants , souvent des volontaires acceptaient de faire les cobayes et ressentaient des effets immédiats, alors la vente battait son plein, le dernier criait le « toubib » n’aura rien…A même le sol étaient étalées des gravures , supports pédagogiques, montrant l’anatomie humaine, en détail avec la partie à traiter. A côté s’alignaient des potions et autres produits venant du sud, des cornes de gazelles  
(pas les succulents gâteaux de Latifa, non , de vraies cornes souvent sur une tête de cervidés) ,des boules jaunes, des sachets, des herbes sèches, des pâtes marrons visqueuses, des poudres de couleurs différentes, et des boîtes pleines de toutes sortes de produits médicamentaux. Ces vendeurs maniaient l’humour . Dans l’espace fermé et pudique, on parlait peu du sexe, là, le vendeur –toubib du dimanche vantait la puissance , pilonnait l’impuissance et communiquait à l’assistance la force de rester « vert », la raison de procréer et là, enfants, pudiques nous riions à gorges chaudes devant ce langage osé exprimé sur la place publique par des images si bien étayées que le voile se levait et le charme du vendeur –charlatan qui connaissait bien son discours émaillé de mots savants doublés de langage religieux, la manipulation faisait le reste. Ses produits restés si longtemps en exposition au soleil changeaient de mains et petits sachets, fioles, potions allaient vite au fond d’autres poches des utilisateurs pressés d’essayer ces médicaments vertueux ancêtres du Viagra et autres….  
Ces vendeurs qui ont souvent un micro collé à la bouche pour porter au plus loin leur voix ont aussi un accoutrement respectable qui inspire au respect. Une fois leurs marchandises expédiées, ils redeviennent anonymes et repartent pour revenir des lustres plus tard. Il y avait même à l’époque « les dentistes »ou arracheurs de dents avec leur kalabes (pinces) et sans aucune anesthésie, ils vous extrayaient les dents contre une pièce.  
Tout se vend dans un souk qui réunit le marché aux puces, le marché aux légumes, les occasions, le rayon ustensiles, ameublement et partie traditionnelle. Le souk di barra est redevenu un souk enter barra et eldakhale dans la mesure où depuis plus d’une quinzaine d’années, maintenant, il siège dans une cité, celle des 320 logements. En bordure de l’oued, au bas des appartements de la cité, il accapare l’espace d’une cité de logements placée à la croisée de la ville, pas barra(hors), pas eldakhale)…Des décennies après , l’on s’aperçoit en 2003, que le souk est resté le souk. Du moins,il en a repris les couleurs ,les contours, la forme, avec sa gêne et ses contraintes, ses bruits et son vacarme, ses nuisances, ce souk de Ghazaouet est un espace social où se meuvent toutes les transactions , où l’on fait de bonne affaires, mais sa place devrait être revue et corrigée.  
Le souk reste un lieu qui a fait ses preuves, autour duquel se tissent des relations, un cadre social où la vie s’organise, mais de grâce, il doit prendre ses aises, avoir sa place repérée et repérable, ses commodités nécessaires, minimales pour en faire un lieu économique vital assurant sa fonction économique en persévérant dans l’alliance entre le traditionnel et le moderne, la ville et la campagne et en demeurant le lieu de rencontres, d’échanges et constituer une vitrine durable pour la cité portuaire. Les habitants de Ghazouet en parlant de souks de la région mettent bien en avant les souks de Tounane, et de Nédroma vers lesquels ils lorgnent, qu’ils fréquentent souvent….  
Le fait que le souk de Ghazaouet n’a pas encore et malgré le temps inscrit ses lettres de noblesses ni encore gagné sa vraie place sociologique entière mérite qu’on s’y penche ! Il est ancien, il est vital, il est tellement animé, restituons lui la place qu’il mérite.  
Un espace convenable bien desservi , centré, accueillant, et là seulement, il recouvrera sa dimension d’antant et sa fonction économique et sociale première…  
 
Khaled Sidhoum 
(c) KHELIDJ Abdel - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 13.10.2003
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