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Latifa Salah nous fait connaître un poète algérien.
Noureddine ABBA
NOUREDDINE ABBA n'est pas de notre région, mais je souhaiterai vivement qu'il soit connu d'un plus grand public, ce qu'il a écrit sur la révolution algérienne et l'amour est tout simplement magnifique.
Noureddine ABBA est né en 1921 à SETIF (ALGERIE). Journaliste de formation, il s'oriente trés vite vers le métier d'écrivain.
Nombreuses et variées,ses publications connaissent le succés:il obtient ainsi en 1979 le prix Afrique Mediterranée pour Gazelle aprés minuit et Le chant perdu au pays retrouvé,en 1981 le prix Mahmoud Hamchari pour Tell el zaatar s'est tu à la tombée du soir, enfin en 1982 le diplome du meilleur livre loisirs_jeunes pour les Quatre ânes et l'écureuil.
GAZELLE APRES MINUIT (aux éditions de Minuit,juillet 1983) ,est un recueil de poémes chargé de symboles, dont le personnage principal est sans doute l'Algérie en lutte pour sa liberté, met en scéne Gazelle , la femme aimée, et Aziz le combattant.
Séparés par les évenements, ils échangent un dialogue où les images de la violence quotidienne, âpre et cruelle, se croisent avec leurs rêves, leurs confidences, leurs souvenirs d'un amour intensement vécu.
Poémes qui vont du silence au cri, de la douceur à la rage, de la colére au désespoir,et qui nous livrent à la fois les secrets de la passion de deux êtres que la guerre à saccagés , mais n'a pas déshumanisés et les réseaux mystérieux, profonds, de tendresse et de fidélité qui les lient à leur terre et à leur peuple.
POEME
CE PREMIER MATIN D'AUTOMNE
CE PREMIER MATIN S'EBROUE
DANS LE CREPITEMENT DES MITRAILLEUSES.
JE TREMBLE POUR TOI,AZIZ,
JE TREMBLE COMME UN SECRET
QUI CRAINT D'ÊTRE VIOLE.
C'EST LA PREMIERE FOIS QUE JE REMARQUE
QUE MON SILENCE
ME DEVISAGE COMME UN ENNEMI.
JE ME RASSURE ET ME DIS
QU'IL DECHIFFRE PLUTOT
L'ALGEBRE DE MES ANGOISSES
UN FRISSON D'AILES REPAND DANS L'AIR
UN LEGER FREMISSEMENT QUI ECORNE MON REVE
CAR JE REVE DE TOI LES YEUX GRANDS OUBVERTS
UN REVE OU PARFOIS LE DELIRE
BAT MA SOLITUDE COMME LES VAGUES,LES FALAISES
M'INONDE, ME COUVRE D'ECUME.
O MON COMBATTANT DE L'OMBRE
CE PREMIER MATIN D'AUTOMNE
ANNIVERSAIRE DE TON DEPART
RACONTE LA MER AUTOUR DE MOI
AUTOUR DE L'ARBRE OU JE ME SUIS ADOSSEE
PRES D'UN MONCEAU DE FEUILLES
ET J'ATTENDS EN VAIN
QU'UN OISEAU VIENNE ECOUTER MA PEINE........
Merci Latifa
Un autre poème de Noureddine Aba offert par Latifa Salah
Aziz,o mon bien aimé, maintenant je sais,
Oui, je sais!
Elle est ce quelque chose
Qui fait que ton ciel MAINTENANT
Reconnait ta montagne,
Que ta montagne,MAINTENANT
Reconnait tes échos
Que tes échos MAINTENANT
Reconnaissent ta voix.
Que ta voix, MAINTENANT
Reconnait ton pays!
Que ton pays,MAINTENANT
Se reconnait en toi.
Elle est cette chose qui s'enroule autour de ton corps,
Comme une liane,
Et le remplit du bruit de ses rumeurs,
L'imprégne de ses senteurs de pins, de thym, de musc, d'ambre.
Elle est cette chose
Qui fait que les femmes sont MAINTENANT
Plus ardentes dans les bras de leurs époux,
Que leurs yeux sont fulgurances et délices,
leur tendresse source inépuisable.
Elle est cette chose
Qui fait que les rêves de nos enfants
Recélent plus de secrets
Que les secrets de corail au fond des mers,
Cette chose qui frémit
Dans le battement des ailes des oiseaux,
Elle est pulpe du fruit que tu mords
Et que tu trouves MAINTENANT
Plus tendre,
Elle est dans les pétales soyeux des roses
Que tu effeuilles dans la douceur de tes souvenirs.
Elle est cette chose, comme une figure de proue,
Qui s'inscrit en filigrane dans les nuages,
Qui s'insinue dans la houle des vagues
Se mêle au bruissement des forêts,
Se perd dans le hennissement des chevaux,
Se dilue dans le parfum des orangers,
Cette chose que tu respires dans l'air, MAINTENANT,doré
Que tu bois dans l'eau pleine d'écailles rutilantes
Et d'une saveur particulière, MAINTENANT;
Elle est musiquedans le paisible pas des mulets,
Elle est dans le salam du fellah à son voisin,
Dans le rire d'une adolescente
Au visage candide mais aux seins déjà gonflés,
Elle est la terre chaude où dorment nos morts,
Elle cette chose indéfinissable,
Illimitée,
Aussi vaste, aussi immense
Que l'océan sans frontières indiscernables
Qui s'étend à perte de vue, à l'infini
Et pourtant son image dans ton coeur,
Comme dans le mien,
Est claire, nette,précise
Comme une figure géométrique
Qui n'a plus de secret pour nous.
Elle est enfin ce croissant de lune
Coiffé d'une étoile
Qui flotte au vent, royale
Coeur vert battant dans l'espace
L'espérance d'un peuple
Et elle s'appelle
ALGERIE,notre patrie!
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